Ébranlé, François Legault recule partiellement sur ses réformes en immigration

 

Confronté au mécontentement provoqué par sa réforme du Programme de l'expérience québécoise (PEQ), le gouvernement Legault fait marche arrière en accordant une clause de droits acquis aux étudiants et aux travailleurs étrangers temporaires déjà au Québec.

 

La décision a été annoncée mercredi, au lendemain de discours émouvants prononcés par des dizaines d'étudiants étrangers et de travailleurs temporaires afin de presser le gouvernement de modifier sa réforme, en évoquant des vies brisées.

Hier, j’ai été très ébranlé par les témoignages qu’on a entendus, a commenté le premier ministre François Legault, peu après que son ministre de l'Immigration, Simon Jolin-Barrette, eut confirmé la volte-face du gouvernement.

 

Ce que j’ai compris, c'est que même si on n’avait pas rien promis concernant la citoyenneté à des étudiants, il y a quand même des gens, des familles, qui ont fait le choix de venir s’installer au Québec en vertu de l’ancien programme.

François Legault, premier ministre du Québec

 

Avant le 1er novembre, les étudiants pouvaient se qualifier au PEQ en vue d'obtenir un Certificat de sélection du Québec (CSQ) s'ils avaient complété 1800 heures d'études au Québec.

 

La réforme prévoyait plutôt que seuls les étudiants détenant un diplôme correspondant à certains domaines de formation choisis par le gouvernement allaient désormais être considérés, laissant en plan des milliers d'étudiants qui répondaient aux anciens critères lors de leur arrivée.

 

On a aussi le devoir de faire preuve d'humanité, et donc, hier soir, on a décidé, Simon Jolin-Barrette et moi, de mettre une clause de droits acquis. Ça veut dire que les gens qui sont arrivés ici avant le 1er novembre vont pouvoir continuer avec l’ancien programme.

 

François Legault, premier ministre du Québec

 

Interrogé sur les raisons qui l'ont poussé à changer son fusil d'épaule, le premier ministre a admis que son gouvernement n'avait peut-être pas évalué comme il faut cette partie plus humaine, mais qu'il était important de le faire maintenant.

 

Là, ce que j’ai compris, c’est que des gens sont allés à l’étranger recruter des étudiants en leur faisant miroiter que le PEQ leur permettrait rapidement d’avoir la citoyenneté, a-t-il précisé. J’avoue qu’on n'avait peut-être pas saisi cette présentation qui avait été faite à certains étudiants.

 

On n’avait peut-être pas effectivement évalué des cas personnels de gens qui s’étaient fait faire des représentations, qui ont décidé de bonne foi de dire : "moi j’en suis de la nation québécoise, je me sens Québécois, je suis déjà au Québec", a-t-il ajouté.

 

Le premier ministre Legault a par ailleurs ouvert la porte à d'autres modifications à la réforme, qui prévoit actuellement une révision annuelle de la liste des formations permettant de se qualifier au PEQ.

 

Un étudiant qui arriverait au Québec l'an prochain pourrait ainsi réaliser que son programme ne lui permet plus d'y aspirer deux ans plus tard, avant même qu'il ait terminé sa formation.

On va voir, avec le geste qu’on pose aujourd’hui. Effectivement, peut-être qu’il faut regarder la date d’entrée pour ne pas pénaliser des personnes.

 

François Legault, premier ministre du Québec

François Legault a néanmoins réitéré que l'objectif du gouvernement reste de mieux arrimer le système d'immigration avec les besoins du marché du travail, afin de répondre adéquatement à la pénurie de main-d'oeuvre qui frappe le Québec.

 

Les universités, le milieu des affaires, mais aussi des avocats et de nombreux experts s'étaient insurgés ces derniers jours contre ces mesures, qui, selon eux, peuvent nuire à l'image et à l'attractivité de la province.

 

Combien de personnes visées par cette clause?

Il est difficile d'avancer un chiffre précis, mais on parle de milliers de personnes. L'an passé, 10 711 personnes ont été sélectionnées à travers le PEQ, dont 5146 dans le volet concernant les diplômés.

Au total, 48 000 étudiants étrangers garnissent également les bancs des universités québécoises cet automne et en général, environ un quart décide, ces dernières années, de rester dans la province par le biais de différents permis.

 

 

Je suis à l'écoute des gens, assure Jolin-Barrette

En début de journée, Simon Jolin-Barrette avait confirmé l'ajout d'une clause de droits acquis pour les étudiants et les travailleurs étrangers temporaires déjà au Québec.

 

Je suis à l'écoute des gens. J'ai réfléchi suite à la journée d'hier, s'est-il défendu, lui qui avait pourtant vivement rejeté, tout comme le premier ministre, l'idée de modifier ou d'annuler la réforme.

Considérant les témoignages que j’ai entendus, dans un souci de répondre aux préoccupations des gens, de répondre à leurs inquiétudes aussi, c’est pour ça que je mets en place une clause de droits acquis.

Simon Jolin-Barrette, ministre de l'Immigration

 

Le ministre Jolin-Barrette a nié avoir commis une erreur en insistant sur l'imposition de ces mesures aux personnes vivant déjà au Québec. Pas du tout, a-t-il lancé aux journalistes.

Il a également nié avoir manqué de sensibilité, malgré sa fermeté des derniers jours. J’ai toujours été sensible. Je savais qu’il y avait des conséquences relativement aux choix du gouvernement du Québec , a-t-il reconnu.

Contrairement à son chef, M. Jolin-Barrette a dit que la décision était la sienne et qu'il avait prévenu de sa décision mardi soir. Je ne ferai pas étalage des discussions, a-t-il indiqué quand on lui a demandé s'il avait subi des pressions.

 

Le ministre de l'Immigration a par ailleurs continué de défendre cette réforme et sa nécessité. Il n'est pas question, a-t-il insisté, d'annuler cette mise à jour du PEQ.

Le Québec doit faire des choix en matière d’immigration et il est nécessaire, si on veut répondre à la pénurie de main-d’oeuvre, de s'assurer que lorsqu’on sélectionne une personne immigrante, il faut qu'elle puisse répondre aux besoins du marché du travail, a-t-il souligné.

Selon ce dernier, le Québec a également besoin de plombiers et de soudeurs. Ça ne prend pas juste des diplômés universitaires.

 

La liste des 218 programmes permettant l'obtention du PEQ continuera d'être revue chaque année, a-t-il précisé, mais elle ne sera pas modifiée dans l'immédiat.

 

Il se pourrait donc qu'un étudiant étranger arrive au Québec avec l'espoir de postuler à ce programme, mais que les règles changent par la suite, a-t-il admis.

 

Jolin-Barrette taxé d'insensibilité par les partis d'opposition

 

Réagissant à chaud, les partis d'opposition sont tombés à bras raccourcis sur le gouvernement Legault et le ministre Jolin-Barrette, qu'ils accusent être insensibles face aux souffrances que peut engendrer cette réforme.

Malgré les annonces de ce matin et les reculs partiels de ce gouvernement, ce qu’on a vu hier et ce qu’on voit encore ce matin, c’est un ministre de l’Immigration qui est totalement insensible aux gens, a commenté le chef libéral intérimaire, Pierre Arcand.

 

Ça démontre, comme on l’a dit à plusieurs reprises, que le gouvernement, en fait, est brouillon, que les réformes se font sur un coin de table et ne sont pas réfléchies.

Pierre Arcand

À l'Assemblée nationale, M. Arcand a soutenu que le gouvernement avait en fait reculé devant la crise médiatique et qu'il ne cherchait qu'à sauver la face. Il a invité le gouvernement à revoir l'ensemble de sa réforme.

 

C’est de l’insensibilité, c’est de la gestion de crise, ce n’est pas une conviction sincère, a commenté le chef péquiste par intérim, Pascal Bérubé. Ils sont poussés à bout, ils avaient mal évalué l’impact, c’est amateur.

 

Selon M. Bérubé, la volte-face ne règle pas par exemple le problème du cégep de Matane, qui risque maintenant d'avoir de la difficulté à recruter des étudiants pour certains programmes qui ne permettront plus d'accéder au PEQ.

 

Le député de Québec solidaire Vincent Marissal s'est demandé comment le gouvernement avait pu créer ce psychodrame en mettant des gens dans des situations épouvantables, avant de faire marche arrière.

 

Visiblement, quand l’empathie est passée, M. Jolin-Barrette n’était pas chez lui. [...] On parle de vrai monde. C’est pas juste de la politique, des chiffres, des colonnes.

Vincent Marissal, député de Rosemont

 

Moi, je pense que, de toute façon, le ministre Jolin-Barrette était cuit avec une mauvaise réforme, avec des mauvais arguments, a ajouté M. Marissal.

 

La décision qu’il a à prendre, c’est de savoir s'il veut être médium saignant ou cuit complètement, brûlé. Mais il est en train de se brûler. Il a frappé le mur de son arrogance et son improvisation, a-t-il asséné.

 

Source : Radio - Canada

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